LA VIE CONTINUE

Par Andrée Watters

Dans moins de deux mois, ce sera la fête de mon frère Patrick. Il aurait eu 26 ans.

Je ne suis certainement pas la seule à avoir perdu quelqu’un de cher, mais aujourd’hui, j’avais envie d’en parler à ma manière.

Ce qui est le plus frappant quand on perd quelqu’un, c’est que la vie continue tout de suite. Pas dans un mois, pas dans un an, immédiatement. Sur le coup, on a l’impression qu’on aura le temps de se remettre sur pied, qu’on n’aura pas besoin d’aller faire notre épicerie, qu’on ne peut pas faire notre lavage ou répondre au téléphone, mais c’est complètement faux. Les petites choses futiles ont tout à coup un poids énorme puisqu’elles sont encore essentielles au bon fonctionnement de la vie, comme si de rien n'était. Pour moi, c’est ce qui a été le plus difficile au début. Pendant que nous vivons un deuil, au même moment, des gens vont travailler, vont au cinéma ou vont se payer une bonne bouffe entre amis. Mon père et moi sommes même allés chercher une pizza au comptoir à emporter le jour même où on a appris la nouvelle, parce qu’il fallait bien manger. C’était complètement absurde.             

             Maintenant, 3 ans après le choc, mon coeur va bien et celui de mes parents aussi. C’est le temps qui a finalement fait son travail, même si on n’oublie jamais.

             Je me rends compte aujourd’hui qu’après la tempête, c’est vrai qu’il y a un grand calme. Mon café du matin est le meilleur du monde. Le soleil dans ma cour est tellement beau. Mon père a découvert la moto, ma mère le piano et moi, l’écriture. Même si j’ai toujours écrit des textes de chansons, l’écriture de ces chroniques est vraiment une libération pour moi, une sorte de recueillement. Et pas besoin d’attendre que la vie nous donne un grand choc pour se trouver une passion. Je pense qu’on devrait tous consacrer une heure par jour à une activité qui nous permet de nous réinventer, de nous donner un défi, de nous sentir libre et vulnérable à la fois. Bref, il faut prendre le temps de vivre, d’aller au bout de ses idées et de ses rêves. Que ce soit en groupe ou en solo, ce n’est pas important. Ce qui compte c’est d’écouter la petite voix qui parle fort au fond de soi et qu’on fait souvent taire. Aujourd’hui, quand je ne m’écoute pas assez ou que je ne sais plus quoi faire, c’est la voix de mon frère qui me guide et qui me remet sur le droit chemin.

Finalement, avec le temps, c’est la personne que j’ai perdue qui me permet de mieux me retrouver chaque jour de ma vie.